Pourquoi les discours de haine ne devraient pas être interdits

L’auteur Kenan Malik explique pourquoi, selon lui, interdire les discours de haine ne sert pas à confronter les causes de tels débats mais plutôt à qualifier ces arguments comme étant immoraux.

Cet entretien a été publié à l’origine dans The Context and Context of Hate Speech: Rethinking Regulations and Responses, édité par Peter Molnar.

Peter Molnar: Diriez-vous que certains discours sont des «discours de haine», et pensez-vous qu’il soit possible de donner une définition juridique fiable de ce concept ?

Kenan Malik: Je ne suis pas sûr que «discours de haine» soit un concept particulièrement utile. Bien sûr, beaucoup de ce qui est dit et écrit est conçu pour promouvoir la haine. Mais il n’est guère utile de rassembler tout ceci dans une seule catégorie, d’autant plus que le concept de la haine est contesté.

Dans un certain sens, les restrictions imposées sur le discours de haine sont devenues un moyen de ne pas aborder des questions plus spécifiques concernant l’intimidation ou la provocation. Ceci explique pourquoi, si vous regardez les lois sur le discours de haine à travers le monde, il n’y a pas de définition cohérente sur ce qui constitue un tel discours. La Grande-Bretagne interdit des discours injurieux, insultants, et menaçants. Le Danemark et le Canada interdisent des discours insultants et dégradants. L’Inde et Israël interdisent des discours qui portent atteinte à des sentiments religieux ou qui incitent à la haine raciale et religieuse. Aux Pays-Bas, l’insulte délibérée d’un groupe particulier constitue une infraction pénale. L’Australie interdit les discours qui humilient, insultent ou intimident des individus ou des groupes. L’Allemagne interdit des discours qui portent atteinte à la dignité d’un group ainsi que la malveillance dégradante envers un groupe. Dans chaque cas, la loi définit les discours de haine d’une manière différente.

Une réponse serait de dire: nous allons définir les discours de haine beaucoup plus étroitement. Je pense, cependant, que le problème est beaucoup plus profond. La restriction des discours de haine n’est pas un moyen de lutter contre le sectarisme mais de requalifier certaines idées ou arguments souvent odieux comme étant immoraux. C’est une façon de rendre certaines idées illégitimes sans prendre la peine de les contester politiquement. Et c’est cela qui est dangereux.

PM: En mettant de côté les restrictions légales, différencierez-vous entre les revendications (qui visent certain groupes) qui devraient être contestées dans le débat politique et les revendications (qui visent aussi certains groupes) qui devraient simplement être rejetées comme étant tellement immorales qu’elles ne méritent pas une réponse autre qu’un fort rejet et une condamnation morale?

KM: Il y a certainement des revendications qui sont tellement scandaleuses que l’on ne veut pas perdre son temps à les réfuter. Si quelqu’un venait à dire que tous les musulmans devraient être torturés parce qu’ils sont des terroristes potentiels, ou que le viol est acceptable, il est clair qu’aucun argument rationnel ne va les faire changer d’avis.

Une grande partie de ce que nous qualifions de discours de haine consiste, cependant, en des revendications qui sont peut-être méprisables, mais qui sont quand même considérées majoritairement comme étant moralement défendables. C’est pourquoi je me méfie de l’argument selon lequel certains sentiments seraient si immoraux qu’ils peuvent simplement être condamnés sans avoir été contestés. Tout d’abord, de telles condamnations constituent souvent un prétexte pour justifier l’incapacité ou le refus politique de récuser ces sentiments. Deuxièmement, en contestant des sentiments odieux, on pose non seulement un défi à ceux qui partagent ces opinions, mais on défie aussi leur audience potentielle. Soutenir que des opinions odieuses ou haineuses ne méritent pas de réponse n’est peut être pas la meilleure façon d’interagir avec un tel public. Qu’une demande odieuse mérite une réponse ou non dépend alors non seulement de la nature de la demande, mais aussi du public potentiel.

PM: Que pensez-vous des propositions pour limiter la diffamation de la religion?

KM: Il est tout aussi idiot de penser que l’on puisse diffamer la religion qu’il l’est de penser que l’on puisse diffamer la politique ou la littérature. Ou bien que la Bible ou le Coran ne devraient pas être critiqués ou ridiculisés de la même manière que l’on pourrait critiquer ou ridiculiser le Manifeste du Parti Communiste, De l’Origine des Espèces, ou La Divine Comédie.

Une religion est, en partie, un ensemble de croyances sur le monde, ses origines, et la place de l’humanité dans tout ceci ainsi qu’un ensemble de valeurs qui proviendraient de ces croyances. Ces croyances et valeurs devraient être traités indifféremment des croyances et des valeurs qui en découlent. Je peux être odieux par rapport au conservatisme ou au communisme, donc je devrais aussi pouvoir l’être envers l’islam et le christianisme.

Les partisans de lois sur la diffamation religieuse suggèrent que la religion n’est pas seulement un ensemble de croyances, mais aussi une identité ressentie comme étant exceptionnellement importante. Mais ceci est aussi le cas pour bon nombre d’autres croyances.

Les communistes étaient  fortement attachés aux leurs. Beaucoup de racistes ont un attachement presque viscéral à leurs croyances. Doivent-ils être protégés car leurs opinions sont tellement profondes?  Bien que je ne considère pas mon humanisme comme étant une identité avec un grand “I”, je mettrai au défi n’importe quel chrétien ou musulman de démontrer que mes croyances sont moins profondes que les leurs.

La liberté du culte, y compris la liberté des croyants de croire en ce qu’ils souhaitent, devrait être protégée. Au-delà, la religion ne devrait pas avoir de privilèges. La liberté de culte est, d’une certaine manière, une autre forme de liberté d’expression – la liberté de croire ce que l’on veut sur le divin et de se rassembler et adopter des rituels à cet égard. On ne peut donc pas protéger la liberté de culte sans la protection de la liberté d’expression. Prenez, par exemple, la tentative de Geert Wilders d’interdire le Coran aux Pays-Bas parce qu’il «incite à la haine». Ou bien l’enquête menée par la police britannique il y a quelques années sur Iqbal Sacranie, l’ancien chef du Conseil musulman de la Grande-Bretagne, pour des commentaires à propos de l’homosexualité. Les deux exemples illustrent que la défense de la liberté de religion est inextricablement liée à la défense de la liberté d’expression. Pour le dire autrement, si dans les deux cas, les autorités auvaient eu les autorisations nécessaires pour restreindre la liberté d’expression, ceci aurait eu un impact dévastateur sur la liberté de culte. C’est pourquoi la tentative de restreindre la diffamation religieuse est, ironiquement, une attaque non seulement sur la liberté d’expression, mais aussi sur la liberté du culte, surtout parce qu’une religion diffame nécessairement les autres. L’islam nie la divinité du Christ, le christianisme refuse d’accepter le Coran comme la parole de Dieu. Chaque livre blasphème contre les autres.

Une des ironies de la campagne musulmane actuelle pour une loi contre la diffamation des religions, c’est que si cette loi avait existé au VIIe siècle, l’islam lui-même n’aurait jamais vu le jour. A l’époque, la création de cette foi était considérée comme étant choquante, comme une offense pour les croyants païens et aussi pour les deux autres religions monothéistes de l’époque, le judaïsme et le christianisme. S’il y avait eu des lois comparables au septième siècle, l’islam ne pourrait être offensé de nos jours, car il n’existerait pas tout simplement.

Au cœur du débat sur la diffamation religieuse ne se trouvent pas vraiment des questions de foi ou de haine, mais plutôt de pouvoir politique. L’interdiction de dire certaines choses, que ce soit au nom du respect de la foi ou de l’interdiction d’offenser des cultes, est un moyen de défendre le pouvoir de ceux qui revendiquent une légitimité au nom de cette foi ou culture. Il s’agit d’un moyen de répression des courants dissidents, non pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Ce qui est souvent défini comme étant une offense dirigée contre une communauté ou une religion est en réalité souvent un débat au sein de cette communauté ou cette religion. En acceptant que certaines choses ne peuvent pas être dites car elles sont injurieuses ou haineuses, ceux qui veulent restreindre la liberté d’expression rejoignent le courant conservatif et réactionnaire.

PM: Êtes-vous favorable aux interdictions des «discours de haine» par le droit pénal, ou êtes-vous plutôt d’accord avec l’approche américaine et hongroise, qui permet seulement l’interdiction de la parole qui crée un danger imminent?

KM: Je crois qu’aucune parole ne devrait être interdite uniquement en raison de son contenu. Je distinguerais la réglementation fondée sur le «contenu» de celle basée sur les «effets» et interdirais la parole que quand elle crée un danger imminent. Je suis contre les interdictions basées sur les contenus aussi bien en tant que question de principe que d’un point de vue pratique. Elles sont mauvaises par principe étant donné que la liberté d’expression pour tous, à l’exception des fanatiques, n’est pas la liberté d’expression. Il est inutile de défendre la liberté d’expression pour des opinions qui ne créent pas la controverse. Le droit à la liberté d’expression n’a de sens que quand nous sommes obligés de défendre les droits des personnes avec qui nous sommes en désaccord profond.

En pratique, on ne peut pas réduire ou éliminer le fanatisme par la simple interdiction. Comme Milton l’a déjà remarqué, empêcher la «doctrine du mal» par l’octroi de licences est comme l’exploit de ce galant homme qui a pensé garder dehors les corbeaux en fermant le portail de son jardin.

Prenez la Grande-Bretagne: en 1965, elle a interdit l’incitation à la haine raciale dans le cadre d’une loi sur les relations raciales.  La décennie suivante fut probablement la plus raciste de l’histoire britannique. C’était la décennie de «Paki-bashing», pendant laquelle des racistes ont repéré des asiatiques pour les battre. Ce fut une décennie de bombes incendiaires, coups de couteau, et de meurtres. Au début des années 1980, j’ai organisé des patrouilles dans les rues à l’est de Londres pour protéger les familles asiatiques contre ces attaques racistes.

Mais les voyous n’étaient pas le seul problème. Les institutions publiques regorgeaient de racisme. La police et les agents d’immigration étaient tous ouvertement racistes. Entre 1969 et 1989, pas moins de trente-sept noirs et asiatiques ont été tués pendant qu’ils se trouvaient en garde à vue – presque un tous les six mois. Le même nombre décédait dans les prisons ou en garde à vue hospitalier. Quand en 1982, les cadets à l’Académie nationale de police ont été invités à écrire des essais sur les immigrés, l’un d’entre eux a écrit, «les métèques, nignogs et pakis viennent en Grande-Bretagne pour prendre nos maisons, nos emplois et nos ressources mais contribuent peu à notre pays autrefois glorieux.  Ils sont, par nature, inintelligent et ne peuvent pas du tout être éduqués suffisamment pour vivre dans une société civilisée du monde occidental.» Un autre écrivait que «tous les noirs font chier et doivent être éjectés de la société». Ainsi vous voyez à quel point des lois ont su créer une société plus tolérante.

De nos jours, la Grande-Bretagne est un endroit très différent. Le racisme n’a pas disparu, et pas non plus les agressions racistes, mais le fanatisme ouvert, vicieux et viscéral qui défigurait la Grande-Bretagne quand je grandissais a largement disparu. Cependant ceci n’est pas le résultat de lois interdisant la haine raciale, mais plutôt de changements sociaux et du fait que les minorités elles-mêmes ont résisté à cette bigoterie.

Comme le montre l’expérience britannique, la haine ne se manifeste pas seulement par la parole, mais a aussi des conséquences physiques. Ceux qui critiquent mon point de vue se demandent s’il n’est pas important de limiter la fomentation de la haine pour protéger la vie de ceux qui peuvent être attaqués? En posant cette question, ils révèlent la distinction entre la parole et l’action. Dire quelque chose n’équivaut pas à le faire. Mais, dans ces temps post-idéologiques et post-modernes, il est démodé d’insister sur une telle distinction.

En brouillant la distinction entre la parole et l’action, ce qui est obscurci, est l’idée de l’action humaine et de la responsabilité morale. En effet, en dessous de cet argument se cache celui que les gens réagissent comme des automates à de mots ou des images. Mais les gens ne sont pas des robots. Ils pensent, raisonnent et agissent suivant leurs idée et raisonnements. Les mots ont certainement un impact sur le monde réel, mais cet impact est contrôlé par l’action humaine.

Les racistes sont, bien-sûr, influencés par les discours racistes. Cependant, c’est leur propre responsabilité de convertir la parole en action. Ironie du sort, parmi toutes les discussions sur l’utilisation responsable de la liberté d’expression, la conséquence réelle est la modération de la responsabilité des individus pour leurs actions.

Ayant dit cela, il y a surement des circonstances qui présentent un lien direct entre la parole et l’action, où les mots de quelqu’un mènent directement aux actions de l’autre. Une telle incitation devrait être illégal, mais elle doit être définie soigneusement. Il doit y avoir à la fois un lien direct entre la parole et l’action ainsi que l’intention de l’orateur pour que cet acte de violence soit réalisé. L’incitation à la violence dans le contexte des discours haineux devrait être définie aussi strictement que dans les affaires pénales ordinaires, où l’incitation est, à juste titre, difficile à prouver devant le juge. Le seuil de responsabilité ne devrait pas être réduit simplement parce qu’il s’agit de discours de haine.

PM: À quel point bien devrions-nous définir le lien entre l’incitation et le danger imminent d’action? Qu’en est-il des slogans racistes dans des stades de football, et le danger imminent de violence dans les rues bondées après la fin du match?

KM: Les slogans racistes, comme tout discours raciste, devrait être une question morale, et non juridique. Si des supporters sont déterminés à attaquer ceux d’un autre club, ou incitent directement d’autres à le faire, cela devient par contre une question de droit.

PM: Que pensez-vous de cet exemple: à la gay pride de Budapest, des manifestants pacifiques ont été attaqués. Certains spectateurs ont simplement fait des déclarations homophobes verbales alors que d’autres, sans doute encouragés par les railleries, ont jeté des œufs et des pierres sur les participants de la pride. Si ces perturbateurs déclarent plus tard ne pas avoir eu l’intention d’inciter à la violence, doivent-ils être punis ou déclarés responsables?

KM: On ne peut pas trancher de telles questions dans l’abstrait car tout dépend du contexte. Je devrais avoir plus de détails factuels. Si les deux groupes que vous citez étaient indépendants les uns des autres et se sont simplement retrouvés à la gay pride en même temps, et que les auteurs de la violence auraient de toute façon attaqué les manifestants, alors je ne vois pas pourquoi les homophobes non-violents seraient responsables. Dans ces circonstances, les homophobes non-violents ne sont pas plus responsables pour la violence des homophobes violents que des manifestants pacifiques altermondialistes le sont pour les actions d’autres manifestants qui détruisent des cafés Starbucks et mettent des voitures au feu.

Si, de l’autre côté, il y avait une relation entre les deux groupes, et que sans les encouragements verbaux les homophobes violents n’auraient pas été violent, alors, oui, ils peuvent être considérés comme étant responsables.

PM: Que doit-on faire si les deux groupes de manifestants altermondialistes ne sont pas indépendants, s’ils appartiennent au même groupe, mais que seulement certains d’entre eux se comportent violemment alors que d’autres se contentent de chanter des slogans paisiblement? Traceriez-vous une ligne entre les slogans haineux – prononcés sans violence – et ceux qui transmettent de la colère, mais n’incitent pas à la haine?

KM: Les gens devraient avoir le droit de crier des slogans, même haineux, même si c’est moralement méprisant de le faire. La loi devrait se préoccuper de ceux qui agissent violemment, ou qui incitent d’autres directement à la violence. L’«incitation à la haine», comme vous dites, ne devrait pas en soi constituer une infraction criminelle. Encore ici, la distinction à faire est entre les attitudes et les actions.

PM: Dans ce cas, supposons que l’action soit non pas de la violence, mais de la discrimination. Autrement dit, est-ce que seul le danger imminent de violence justifie une restriction de la parole ou le danger de discrimination est-il suffisant?

KM: Je suis en faveur des lois qui prohibent la discrimination dans le domaine public. Mais je suis absolument contre des lois qui prohibent la discrimination. L’égalité est un concept politique auquel je souscris, mais beaucoup de gens ne le font pas. Il s’agit clairement d’un concept très contesté. Devrait-il y avoir une  immigration musulmane continue en Europe? Les travailleurs indigènes devraient-ils avoir une priorité dans le logement social? Les homosexuels doivent-ils avoir le droit d’adopter? Il s’agit ici de questions très débattues en ce moment. J’ai des idées bien définies sur toutes ces questions, fondées sur ma croyance en l’égalité. Mais il serait absurde de prétendre que seules les personnes ayant mon point de vue devraient avoir le droit de les défendre. Je considère les arguments contre l’immigration musulmane, contre l’égalité d’accès au logement, contre les adoptions des couples homosexuels comme étant désagréables. Mais je reconnais que ce sont des arguments politiques légitimes. Une société qui proscrit ces arguments serait à mon sens tout aussi réactionnaire que celle qui interdit l’immigration musulmane ou l’octroi de droits aux homosexuels.

PM: Mais qu’en est-il de l’encouragement de discriminer qui crée un danger imminent de discrimination? Par exemple, lorsque les membres d’un groupe minoritaire veulent entrer dans un restaurant ou un bar et quelqu’un ordonne au gardien de sécurité à la porte de ne pas laisser entrer ces personnes.

KM: Une personne qui préconise une telle discrimination peut être moralement méprisable, mais ne doit pas être considérée comme ayant commis un délit. Le gardien de sécurité ainsi que l’établissement en question devraient être responsable devant la loi.

PM: Pensez-vous que nous puissions trouver une approche universelle par rapport à la restriction du droit pénal quant à l’incitation à la haine? Ou est-ce que ceci devrait dépendre du contexte culturel, et si oui, de quelle façon ces réglementations devraient-elles se différencier ?

KM: Je pense que la liberté d’expression est un bien universel et que toutes les sociétés humaines peuvent mieux s’épanouir avec la plus grande extension possible de cette liberté. Par exemple, même les militants de la liberté de parole reconnaissent l’utilité d’interdire le négationnisme en Allemagne. Je n’accepte pas cela. Ce qui est nécessaire même en Allemagne – et surtout en Allemagne – est un débat ouvert et robuste sur cette question.

PM: Diriez-vous la même chose pour le Rwanda?

KM: Oui. Ce dont le Rwanda a besoin n’est pas la suppression des animosités profondes, mais la capacité des gens à débattre ouvertement leurs différences. Il faut ajouter dans ce contexte qu’au Rwanda, c’était l’État qui avait favorisé la haine qui a conduit à des conséquences dévastatrices.

PM: Que serait la signification d’un danger imminent causé par l’incitation à la haine dans un tel environnement? En d’autres termes: pensez-vous que le concept juridique de l’imminence du danger peut être contextualisé?

KM: L’interprétation de «danger imminent» dépend évidemment des circonstances. Ce qui constitue un danger imminent à Londres ou à New York, où il y une société relativement stable et relativement libérale ainsi qu’un cadre assez robuste de l’ordre public, peut être différent de ce qui constitue un danger imminent à Kigali ou même à Moscou. Et la signification de danger imminent pour un Juif de Berlin en 1936 était très différente de celle d’un Juif – ou musulman – à Berlin en 2011. En même temps, à des époques et dans des sociétés dans lesquelles des groupes particuliers sont transformées en cibles d’une hostilité intense, ce débat perd presque toute signification. Dans un tel climat de haine extrême, comme c’était le cas au Rwanda en 1994 et en Allemagne dans les années 1930, il peut être plus facile d’inciter les gens à nuire à autrui. Mais dans un tel climat, les subtilités de ce qu’on définit juridiquement comme étant un «danger imminent» seraient et devraient être le cadet de nos soucis. Ce qui est important dans ce contexte est d’affronter ces haines et préjudices aussi bien politiquement que physiquement.

Je suis conscient que l’acceptance du point de vue commun sur ce qui constitue un danger dépend des circonstances.  Nous ne devrions pas rendre ce concept aussi élastique qu’il en deviendrait inutile. Que ce soit à Londres, New York, Berlin, ou Kigali, la parole ne doit pas être limitée si un tel discours incite directement un acte qui cause ou pourrait causer un préjudice physique à autrui ou si des individus sont en danger imminent de subir un préjudice à cause de ces paroles. Dans des circonstances différentes, différents types de discours pourraient placer des individus en danger.

PM: Pensez-vous que des actes de violence incités par la haine méritent d’être punis par de plus strictes sanctions?

KM: Je reconnais que les intentions ne sont pas seulement moralement mais aussi juridiquement pertinentes, et que des intentions différentes peuvent entraîner l’imposition de peines différentes. Mais quand nous faisons une distinction entre, par exemple, l’assassinat et l’homicide involontaire, nous faisons une distinction fondée sur le genre ou le degré de nocivité de l’auteur. Quand il est suggéré, cependant, qu’un meurtrier raciste devrait recevoir une peine plus sévère qu’un meurtrier non raciste, un autre type de distinction est en cours d’élaboration. La distinction n’est pas ici entre les degrés de dommages visés – dans les deux cas, le tueur a l’intention de tuer – mais entre les pensées qui animaient les tueurs respectifs. Je suis opposé à la catégorie des crimes de la pensée. Les pensées racistes sont moralement inacceptables mais elles ne devraient pas être considérées comme infractions pénales.

Certains sont en faveur de la criminalisation des crimes haineux afin de (1) protéger ceux qui sont maltraités ou agressés simplement parce qu’ils appartiennent à un groupe particulier, et (2) d’envoyer un message sur le genre de société que nous voulons promouvoir. Mais ce n’est pas fondamentalement différent de l’argument en faveur de la criminalisation de la propagande haineuse. Je m’y oppose pour la même raison que je suis opposé à la criminalisation de la propagande haineuse.

PM: Mais n’y a-t-il pas une différence substantielle dans le sens que l’on peut éviter d’être attaqué en ne provoquant pas ses agresseurs potentiels, alors qu’on ne peut pas changer sa couleur de peau?

KM: Pour la victime, une telle distinction offre, bien sûr, peu de réconfort. Ceci implique aussi que certaines victimes ne peuvent pas échapper à leur victimisation, alors que d’autres le pourraient en changeant de comportement. Si ce n’est pas la même chose que de dire que certaines victimes demandent à être victimes, l’idée va dans le même sens, et nous devons être prudents par rapport à cela.

La vraie question reste la même: les meurtrier avec une intention raciste devraient-ils être puni plus que d’autres? J’accepte que le racisme soit un mal social qui doit être combattu, mais je rejette l’idée que nous pouvons et devrions lutter contre le racisme en interdisant les pensées racistes. Si comme moi, vous acceptez que des pensées en elles-mêmes – même racistes – ne doivent pas être interdites par la loi, alors il faut accepter que la pensée raciste qui conduit à assassiner ne devrait pas être considérée comme juridiquement distincte d’une pensée non raciste qui mène à assassiner.

PM: Comment, à votre avis, pourrait-on améliorer les réponses sociales (non juridique) aux discours de haine?

KM: Le but de la liberté d’expression est de créer des conditions pour un débat robuste afin d’être en mesure de contester des opinions odieuses. Plaider pour la liberté d’expression, mais ne pas l’utiliser pour réfuter les idées nauséabondes, odieuses et détestables me semble immoral.

Partout en Europe, les politiciens traditionnels ont dénoncé la montée de l’extrême droite, et dans toute l’Europe, les politiciens traditionnels se sont adaptés à l’extrême droite, les arguments d’étranglement de l’immigration, la poursuite de mesures anti-musulmanes, et ainsi de suite. Ils ont même parfois adopté le langage. L’ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown, a parlé de garantir «des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques», un slogan d’abord popularisée par le Front national néofasciste. Le Front national avait jumelé à un deuxième slogan: «Trois millions de noirs. Trois millions de chômeurs. Expulsez les noirs.» Gordon Brown n’était bien-sûr pas coupable de ces discours de haine. Mais son utilisation de cette expression a probablement propagé le sentiment xénophobe plus que n’importe quel «discours de haine» des fanatiques de l’extrême droite. Le fanatisme nous oblige à remettre en question des idées traditionnelles et de faire campagne contre ces pratiques discriminatoires et lois sociales qui rendent les arguments des racistes, sexistes, les homophobes et les plus acceptables.

PM: Pensez-vous que l’interdiction de «discours de haine» affaiblisse la légitimité d’une démocratie?

KM: La liberté d’expression et la démocratie sont intimement liées. Sans liberté d’expression il n’y a pas de démocratie. C’est pourquoi toute restriction de la liberté doit être réduite au strict minimum.

Il y a deux façons dont l’interdiction de la propagande haineuse sape la démocratie. Tout d’abord, la démocratie ne peut fonctionner que si chaque citoyen estime que sa voix compte. C’est la croyance qu’une opinion, aussi bizarre, choquante, désagréables qu’elle soit, peut néanmoins être exprimée. Dans le cas contraire, la démocratie souffre, tout comme la légitimité du pouvoir en place.

Non seulement l’interdiction de l’incitation à la haine, mais aussi la catégorisation d’un argument ou d’un sentiment comme étant un discours de haine peut être problématique au vu du processus démocratique. Je n’ai aucun doute que certains discours soient conçus pour promouvoir la haine, et j’accepte que certains arguments – comme l’incitation directe à la violence – devraient être illégaux. Mais la catégorie «discours de haine» fonctionne très différemment que l’interdiction de l’incitation à la violence. Elle est devenue un moyen de requalifier certains arguments politiques odieux comme étant immoraux et donc au-delà des limites acceptées. Ceci rend certains sentiments illégitimes et peut nier les droits de ceux qui ont ces opinions.

Ceci m’amène au deuxième point qui consiste à déterminer pourquoi l’interdiction de la propagande haineuse mine la démocratie. Qualifier une opinion comme étant un «discours de haine» prive de leurs droits non seulement ceux qui détiennent ce point de vue, mais dispense aussi le reste d’entre nous de nos responsabilités. Si autrefois on auvait contesté ces sentiments désagréables ou haineux, aujourd’hui, nous sommes tout simplement plus susceptibles de chercher à les proscrire.

En 2007, James Watson, codécouvreur de la structure de l’ADN, a dit par rapport aux Africains que leur «intelligence n’est pas le même que le nôtre» et que les noirs sont génétiquement et intellectuellement inférieurs. Il a été condamné à juste titre pour ses arguments. Mais la plupart de ceux qui le condamnent n’ont pas contesté ses arguments, ni empiriquement, ni politiquement. Ils ont simplement insisté sur le fait qu’il est inacceptable de dire cela. On a essayé d’intenter des action en justice contre Watson et annulé ses apparitions. Finalement, il fut obligé de démissionner de son poste.

Je suis en désaccord fondamental avec Watson, mais je pense également qu’il était aussi légitime pour lui d’exprimer son opinion qu’il l’est pour moi d’exprimer la mienne, même si je crois que son affirmation est factuellement fausse, moralement suspecte et politiquement offensive.

Kenan Malik est écrivain, conférencier et journaliste. Vous pouvez lire l’interview original sur son blog  Pandaemonium. Peter Molnar est chargé de recherche principal au Centre d’études sur les médias et des communications à l’Université d’Europe centrale et de l’éditeur du contexte et contexte du discours de haine.

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Commentaires (15)

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  1. I agree with due to these reasons:
    Speech, the most prominent form of communication, should people be able to control such a precious commodity? To that, many would cry nay though I believe, in some regards, that restrictions must exist. In Australia, this is currently a situation up for debate. Australia’s freedom of speech is also restricted by certain things such as defamation, bullying, hate speech, obscenity and other related issues. Many people say that Australians doesn’t have enough freedom of speech. This of course, is a blatant lie. There is plenty of freedom of speech. A topic under much discussion is the possible revoking of the Racial Discrimination Act 18C. The Racial Discrimination Act 18C causes it to be illegal to offend/insult/humiliate/intimidate another person due to their race or ethnic origin unless done in private. Many argue that it provides too many barriers. Much of the laws limiting our freedom of speech is to protect different races, ethnic groups, etc. These laws cut down racial insults in Australia and why would anyone have that as a negative on their list and not only that, but these laws also cut down on many other sneaky tactics companies would use such as defamation. Most problems have been blown out of proportion by the media. What would people even do if 18C was removed? Is it revenge you would do it for such as senator David Leyonhjelm who lodged a complaint alleging he had been a target of conduct that breached 18C? Why do people like Cory Bernadii (Liberal senator) and David Leyonhjelm (senator) want it changed so much? People like Dr Aly (Labour MP Anne Aly) are asking the right questions of what are we allowing them to say that they can’t say now, especially if many people in parliament believe Australia’s people are not racist though it is right of Malcom Turnbull (Prime Minister) to be a tad apprehensive, careful and supportive of both sides. Changing a law requires much thinking but why would we take away a protection of ours? These things help us from being flooded from what the huge majority would call ‘bad things’ and why would anyone view a defense like this negatively. If someone were planning to do these things, they’d be labelled as a jerk or menace to society so why would we want to be rid of these laws.

    First up, these laws protect different ethnic, groups races, etc. These laws stop racism, bullying and other such things which can improve the mental health of people. These laws also help to show that the people afflicted by racial bullying are protected. This offers support to them which everyone needs. These laws also don’t take minor cases and that would mean that if a person fell under fire from this act, they would’ve done something relatively unpleasant. If you really have an insatiable need to be racist, don’t shout it in the streets, keep it private.

    Another argument to bring up is how the acts can lower the amount of people who do this. Any sane person would not want to be perceived or conduct himself in a manner intimidating/offensive through racist means. By adding a punishment to these things, the amount of perpetrators will decrease. Would you agree that a racist man is a good man? Would you be racist publicly merely because you could after the removal of 18C?

    My final argument on 18C is why would anyone who wants it removed, wants it removed? This act protects many people and stops others from being offensive or intimidating based on someone’s race or ethnic group. The charges are minimal and a very small amount of cases are acted on as most cases are resolved through conciliation. Much interest has just been stoked by the media (Such as the Andrew Bolts case). How many people wish to be openly racist? Why do you want to take away the defense of many? Just so you may berate them? It makes very little sense on why we want to remove this act. If you honestly want a better world, why would you remove this act?

    Another argument based on another restriction of speech is defamation. Though I won’t be able to cover things such as obscenity, I will be covering defamation. Defamation is illegal and some would argue that it restricts our freedom of speech. I say defamation is necessary to stop companies spouting off with silly ploys and tactics. Making defamation illegal helps keep the market fair and makes it a lot better for customers, which entails everyone, to be able to locate what is fact and fiction. This following case shows the power of defamation: https://www.atlasobscura.com/articles/corona-urine-rumor-court-case .
    As many people would know now, many restrictions on our speech are necessary and should not be removed.

    These arguments clearly show that these acts regarding the restriction of our freedom of speech are crucial and should not be revoked unless an improved version of the act would take its place. Currently, the world is a harsh and mean place. Many people out there target people based on their ethnic group or race. Many companies are not thinking morally. This is certainly not a place to revoke certain protections. Don’t be a racist and please think morally, it’s one of the few, if not, only things that differ us from mere machines.

  2. Votre commentaire est en attente de modération.

    Thank you for the very interesting interview and for the comments. We most certainly need to discuss this topic in order to be able to decide whether the free speech we want to have includes all points of view being heard, not only those that are morally acceptable in our world, or not.

    I definitely agree that if we are going to have freedom of speech then everybody, even those who have highly immoral opinions, should have the possibility to get their opinions heard. Of course as citizens of a society, and of a very global one nowadays, we have to take the responsibility and make sure that these hate speeches, or other equally offending and immoral views, stay so and nothing else.

    For instance, I may not agree with the person sitting next to me who openly expresses racist opinions but I should hear him out because he has the right to freedom of speech, just as anyone else. But then I should be able to argument, to make him aware of how immortal his statements are. And not only I but all of us should be educated and knowledgable about what is moral and not.

    And if I will not be able to convince him, which is highly likely, then we should be able to go on our separate ways and accept that we have got different opinions. We may not accept the opinions themselves, but the mutual right we’ve got to express them. This is what I believe having freedom of speech means.

    However all of this gets so much more complicated, and perhaps serves to be the strongest argument against people being able to express immoral views, when such hate opinions transforms into action. Because if somebody goes around shouting out loud racist, or other equally offensive opinions without being restricted, chances are that some other people, most likely with little education regarding these matters, may start to listen to that person and in their strong belief start conducting violence or other active forms of misconduct towards people of different skin colour than that of their own.

    This is why we should exercise caution when letting everyone to speak up their mind. It is not because not everyone should have this right but simply because of the consequences some of the opinions may have if taken to action.

    Therefore I would suggest that we should try to implement more education about human rights and about respect to people who differ from us in terms of background, culture and opinions in order to make more people knowledgeable about these highly controversial issues. I believe that most people who express such offensive opinions usually know very little about the people they offend in question and thus if we promoted knowledge then maybe instances of expressing offensive opinions will decrease and consequently we will be able to live in a society with less harassment, mutual understanding and equality.

  3. I greatly enjoyed this interview, and agree with many of the arguments made in it.
    However, I do feel like there is a part that is missing. With every right comes responsibility. Without it, a right is meaningless. If you have the right to vote you have the responsibility of voting for who best represents you, or to run yourself. If you have the right to education you have the responsibility to study. If you have the right to healthcare, you have the responsibility of trying to stay healthy.
    The arguments and examples laid out in this interview have convinced me that freedom of speech should also cover ideas that many of us find repulsive. However, with this right, comes the responsibility of the consequences, foreseen or unforseen.
    Perhaps we could even go a step further, can we expect people to have informed opinions? If you say immigrants are bad for the economy, you should have (non bias) data to back that up. A condition like this could at least require people, even those with the most extreme views, to have arguments. This is an essential first step towards discussion.

    ps: as a response to carola chiarpenello, even though I like your argumentation, I feel like most of your points are countered in the interview. One thing that I would like to add:
    « freedom of speech is not universal, but it is relatively universal, within a given society, where its members share a homogenous understanding of what is accepted as freedom. »
    This is something I fully disagree with, many of us currently live in multicultural societies, with several subgroups who have a very different set of values and norms. Even if this wouldn’t be the case, this approach would make intercultural debate almost impossible.

  4. I think if the people want the real freedom of speech, they should be prepared to listen and disgusting things, in another way it is « a freedom of a speech which I like to hear »

  5. Well i think it should not be banned because people should have freedom of speech,whatever its hate or not.Sometimes you need to use hate speech to really point something out,or else people could just ignore you.This way you get alot more attention.

  6. A greast comparison between politics and religion, like it very much!

  7. If hate speech is used somewhere in strikes, I think, it is ok just to show what the strike is for. But when the discussion starts – everything should be with mutual respect. The aim of each strike is to improve, not deteriorate. So people should show their opinion but should be ready to be diplomatic during their further actions.

  8. Hate speech is important to get the truth out there. Everyone is entitled to free speech, and quality of life. Quality of life can best be achieved if told how to improve it, whether be it through hate speech or not.

  9. Freedom of speech cannot be universal in the world we are living, because inequality generates hatred. A brilliant example can be drawn from the role of hate media during the Rwanda genocide. RLTM played on a democratic alibi, defending its action with the freedom of expression, impeding the international community from jamming the station and preventing the genocide . The media, especially the radio (Radio Rwanda, RTLM) and newspapers (Kangura) are guilty of having fomented and regulated the genocide. The autonomy of the Tutsi minority has been violated to a supreme level leading to their annihilation. Therefore, it is pretty obvious that freedom of speech cannot be universal and cannot be used as an alibi to perpetuate mass atrocities. For this reason we have to go back on the principle of relative universality in order to produce a sound argument.
    Besides, if we consider the case study of the cartoon of the Prophet Muhammad by Jyllands-Posten, we will perceive how universality is hardly achievable . From a European perspective freedom of speech is theoretically absolute: each individual has the right to freely express his opinion, despite it may become offensive towards the target of the critique. On the other hand in the Islamic culture, there are still taboos and traditions, which limit a total freedom of expression. This does not mean that Islam is a totalitarian religion, but instead it has to be viewed as an alternative model to the western one. Terrorism is often perceived as an ultimate attempt from the subaltern, which uses violence because words have not been eared. It is a direct response to inequality and it demonstrates how inequality foments hatred. Conversely, in the West, the fear of the unknown and dangerous evil other has lead to stereotyping, which soak media and the satire, par excellence the symbol of western freedom of expression.
    In order to come to a conclusion, freedom of speech is not universal, but it is relatively universal, within a given society, where its members share a homogenous understanding of what is accepted as freedom. Besides, Human Rights are not dogmatic and normative, instead they are a tool to maximize personal autonomy, which is the necessary condition to achieve the “real-self”. Additionally, Human Rights are not universal because they are an answer to the imperfections of the current international system, characterized by a deep-rooted inequality. In fact, if the system would be overcame by a new “resource based” system, not based on limited resources (such as petrol, gas etc.), people would not need Human Rights anymore, because they will have enough resources to fulfill their needs and achieve autonomy. Despite the system sounds utopian, it is scientifically proved that the international system could be converted to an unlimited resource model thanks to technology, where money will disappear and with it violence and hatred . Consequently, humans would be free from the threats of capitalism and would have the resources to achieve their potentials, without preventing third party from achieving theirs.

    • Danke für den Beitrag, Bravo.

      Sie haben geschrieben: « it is scientifically proved that the international system could be converted to an unlimited resource model thanks to technology ».
      Können Sie dafür eine Quelle angeben?

      • Works Cited

        1. « The Universal Declaration of Human Rights, UDHR, Declaration of Human Rights, Human Rights Declaration, Human Rights Charter, The Un and Human Rights. » UN News Center. UN, 1948. Web. 18 Mar. 2012. .
        2. Adina Schwartz. « Against Universality. » The Journal of Philosophy 78.3 (1981): 127-43. Jstor. Journal of Philosophy, Inc., Mar. 1981. Web. .
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        4. Shweder, Richard A., Martha Minow, and Hazel Markus. « Chapter 20, Freedom of Speech and Freedom of Silence: An Analysis of Talking as a Cultural Practice. » Engaging Cultural Differences: The Multicultural Challenge in Liberal Democracies. New York: Russell Sage Foundation, 2002. 432-48. Print.
        5. Donnelly, Jack. « The Relative Universality of Human Rights. » Human Rights Quarterly 29.2 (2007): 281-306. Print.Published by The Johns Hopkins University Press DOI: 10.1353/hrq.2007.0016
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        7. Rosaldo, Michelle Z. « The Things We Do with Words: Ilongot Speech Acts and Speech Act Theory in Philosophy. » Language in Society 11.02 (1982): 203-37. Print.
        8. Dr. Peter Drahos, University of London, Herchel Smith Senior Fellow. « THE UNIVERSALITY OF INTELLECTUAL PROPERTY RIGHTS: ORIGINS AND DEVELOPMENT. » Queen Mary Intellectual Property Research Institute, Queen Mary and Westfield College: 1-36. Print.
        9. Donnelly, In The East Asian Challenge for Human Rights (01 January 1999), pp. 60-87
        10. Renteln, Alison Dundes. « The Unanswered Challenges of Relativism and the Consequences for Human Rights. » The Johns Hopkins University Press, Human Rights Quarterly 7.4 (1985): 514-40. Print.
        11. Nurullah Yamali. “General Directorate of International Laws and Foreign Affairs.” Ministry of Justice, Turkey: 1-14. Print.
        12. « Zeitgeist Addendum. » 301 Moved. Web. 18 Mar. 2012. .

      • http://video.google.com/videoplay?docid=-7308171700962325804
        Zeistgeist Addendum 🙂 at the beginning it is a bit slow… go to the middle and it starts talking about it….
        there are other videos and they also have a website 🙂

  10. I don’t agree with Mr Kenan Mal when he puts together, and nearly on the same level, religion, politics and literature. Not at all! There is much difference among them. The first two, religion and politics, like them or not, they have a great impact on our lives, they tell us how to live! It’s not the case with literature. In other words, no one could oblige me to read this or that book, and anyway I can always choose my reading, but it’s not so with religion and politics.

    • I don’t understand your point at all Francis. I have re-read Kenan Malik’s piece to look for the point that you are refuting, but cannot find it. I do agree with you that sometimes in some places people have made use of the power structures around religion and politics to force their ideas on others, and that authors of books have only the power of their words, yes. But I don’t think Malik is arguing against that. Have another look, and let me know what I missed.

  11. Thank you so much for publishing this interview to Kenan Malik. This is the first time I’ve heard of Kenan Malik, who is virtually unknown in Spain except, maybe, in closed academic quarters! Thank you once again for this chance of enlarging knowledge and sharing such inspiring points of view.

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Le Débat Sur La Liberté d'Expression est un projet de recherche du Programme Dahrendorf pour l'étude de la liberté au Collège St Anthony, Université d'Oxford.

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